dieklaumichshow.org » violence /blog Klau mich Sat, 24 Nov 2012 13:37:10 +0000 en-US hourly 1 Theorie der Gewalt, Von Jan Philipp Reemtsma ( traduction francaise de Diane Gilly) /blog/theorie-der-gewalt-von-jan-philipp-reemtsma-traduction-francaise-de-diane-gilly/ /blog/theorie-der-gewalt-von-jan-philipp-reemtsma-traduction-francaise-de-diane-gilly/#comments Thu, 14 Jun 2012 17:43:21 +0000 http://www.dieklaumichshow.org/blog/?p=104 Continue reading ]]> Theorie der Gewalt , Hässliche Wirklichkeit

Von Jan Philipp Reemtsma

 Die westliche Welt muss die Zusammenhänge von Gewalt in der Moderne verstehen lernen. Denn nur durch Sensibilisierung lässt sich Barbarei verhindern. Grundzüge einer Theorie der Gewalt.

Es gibt eine Frage, die Sie alle kennen, und die Sie vielleicht auch von mir traktiert sehen möchten. Es ist die Frage, wie es denn möglich sei, dass “ganz normale” Männer – oder gar: “ganz normale Familienväter” – unvorstellbare Grausamkeiten begehen, sich an Massakern beteiligen, nicht nur andere Männer, sondern auch Frauen und Kinder töten, Menschen demütigen, foltern, im Namen der Wissenschaft zu Tode quälen. Diese Frage treibt uns um. Dennoch ist es eine alberne Frage.

Die Frage ist darum albern, weil die Antwort auf der Hand liegt: Wer denn sonst? Als Alexander Mitscherlich zusammen mit Fred Mielke über die Verbrechen der deutschen Medizin zurzeit des Nationalsozialismus geschrieben hatte, hielt ihm ein Ärztefunktionär vor, er denunziere die gesamte Zunft wegen ein paar verrückter Sadisten.

Mitscherlich antwortete, um Verbrechen dieses Ausmaßes zu verstehen, könne man nicht auf die Annahme zurückgreifen, sie seien von verrückten Sadisten begangen worden – so viele gebe es nämlich von dieser Sorte nicht. Und dasselbe kann man von den Verbrechen deutscher Soldaten in der Sowjetunion, von den Wachmannschaften in den deutschen Konzentrationslagern, von den Folterkommandos des NKWD oder moderner lateinamerikanischer Diktaturen sagen.

Um das zu wissen, braucht man nicht auf die Erfahrungen des 20. Jahrhunderts zurückzugreifen. Wir können auf die Exzesse der französischen Armee in der Vendée sehen, wir können an die Greuel der spanischen Konquistadoren denken oder an die Massaker der römischen Soldaten in Gallien.

Das ist so; Menschen können das und tun es immer wieder. Menschen können auch Musik machen oder Bilder malen, und wenn wir das beobachten, fragen wir uns auch nicht, wie es denn bloß möglich sei, dass ganz normale Familienväter Klavier spielen. Und die Unterstellung, die in der Rede von den ganz normalen Familienvätern steckt, dass jemand, der über Tage Menschen quält, wenn er nach Hause kommt, das irgendwie im familiären Rahmen fortsetzen müsse, und wenn er das nicht tut, ein besonderer Erklärungsbedarf vorliege, ist ebenfalls nur albern und ebenso plausibel wie der Gedanke, dass ein Maler, der sein Atelier verlässt, zu Hause seine Kinder anmalt.

Nein, die eigentliche Frage ist diese: Warum stellen wir uns hartnäckig eine so offensichtlich alberne Frage? Für die Antwort bedarf es einiger Überlegungen, die auf das Folgende hinauslaufen: Die Kulturformation, die wir “die Moderne” nennen – das heißt jene aus den Krisen des 16. und 17. Jahrhunderts hervorgegangene europäisch-atlantische Kultur – unterscheidet sich von anderen Kulturen dadurch, dass sie Gewalt unter einen besonderen Legitimationsdruck gestellt hat. Sie ist gleichwohl eine zumindest phasenweise extrem gewalttätige Kultur gewesen. Sie hat in diesem Spannungsfeld bestimmte Formen der Gewalt verleugnet, wegerklärt und verrätselt. Kurz: Die Frage nach den ganz normalen Familienvätern ist Ausdruck des Problems, das unsere Kultur mit der Kluft zwischen Norm und Wirklichkeit hat.

Um nun das Verhältnis der Moderne zur Gewalt genauer fassen zu können, muss ich einen theoretischen Exkurs einschalten. Wer sich in der soziologischen Theorieentwicklung ein wenig auskennt, weiß, dass in den letzten zehn Jahren ein Thema sehr viel Diskussionsraum gewonnen hat, das Thema “Vertrauen”.

Über das Thema “Vertrauen” ist jene Grundfrage der Gesellschaftstheorie neu angesprochen worden, die bei Georg Simmel vielleicht am wuchtigsten formuliert worden ist: “Wie ist Gesellschaft möglich?” Dieselbe Frage hatte bei David Hume noch die Fassung erhalten, warum eigentlich die Gesellschaftsmehrheit der regierenden Minderheit auch dann folgt, wenn sie deutliche Nachteile davon hat.

Klassischerweise sind Fragen dieser Art beantwortet worden, indem man sich auf die “harten” Medien sozialer Kohäsion bezog: Macht, Herrschaft, Interessen – nicht zuletzt mit dem Hinweise auf die Gewalt, die eben “letztlich” hinter den Formen der Macht- und Herrschaftsausübung und dem Durchsetzen von Interessen stecke. Schon Hume erkannte, dass das wenig erklärt. Seine Antwort war: “opinion”, was mit “Meinung” nur unbeholfen übersetzt wäre. Man muss wohl sagen: “Einverständnis”, und im Vokabular gegenwärtiger soziologischer Theorie eben: “Vertrauen”.

 

Les racines de la violence : réflexion sur les mécanismes de la barbarie

Par Jan Philipp Reemtsma, philosophe et sociologue allemand

Comment est-il possible que des hommes “ordinaires” voire “des pères de famille ordinaires”, commettent des atrocités inimaginables, participent à des massacres, tuent non seulement d’autres hommes, mais aussi des femmes et des enfants, humilient, martyrisent, torturent à mort des êtres humains au nom de la science. Cette question nous préoccupe. Nonobstant, c’est une question inepte.

Inepte parce que la réponse tombe sous le sens : qui d’autre, sinon des “hommes ordinaires”, peut commettre ces forfaits ? Il suffit de se rappeler les exactions de l’armée française en Vendée, de penser aux atrocités commises par les conquistadors espagnols, de se remémorer les massacres des soldats romains en Gaule. Tout cela aurait été impossible s’il avait fallu engager des sadiques pathologiques, si un grand nombre d’hommes prêts à user de violence n’avait été disponible – et celui-ci l’est toujours. Il s’agit là d’une leçon anthropologique si fondamentale que l’on ne devrait pas, en voyant s’étaler dans les journaux les photos de tortionnaires, le sourire aux lèvres dans un centre de torture en Irak, ou en découvrant les récits sanglants de massacres perpétrés par telles ou telles milices au Soudan ou ailleurs, recommencer à s’étonner pour oublier la leçon l’instant d’après.

La vraie question est la suivante : pourquoi nous posons-nous avec une telle opiniâtreté une question si inepte ? L’évolution culturelle que nous qualifions de “moderne”, à savoir la culture occidentale née des crises des XVIe et XVIIesiècles, se distingue d’autres cultures par le fait qu’elle a conditionné l’emploi de la force à une légitimation nécessaire. Elle n’en a pas moins été, au moins par moments, d’une violence extrême.

La question sur les “pères de famille ordinaires” est l’expression du problème que pose à notre culture l’abîme qui sépare la norme de la réalité. Une autre facette de ce problème tient à ce que nous cherchons toujours à savoir comment il a été “tout simplement possible” qu’un pays qui a produit le classicisme allemand ait pu, à peine deux siècles plus tard, commettre des actes d’une barbarie inouïe alors que, même si nous ne sommes pas prêts à l’admettre, les historiens ont depuis bien longtemps fourni la réponse.

Que le XXe siècle ait produit les excès de violence que nous connaissons, voilà qui n’a donc rien pour nous surprendre ; ce qui devrait au contraire nous étonner, c’est pourquoi nous n’en sommes pas restés à ce stade ; pourquoi jusqu’à aujourd’hui, la violence n’a pas eu le dernier mot dans l’histoire. Rappelons que Theodor Adorno ou Thomas Mann par exemple – au cours des années 1944-1945 – ont cru qu’il y aurait d’autre avenir que la poursuite de la barbarie.

En règle générale, la confiance sociale existe, c’est la raison pour laquelle lessociétés sont possibles et pourquoi la vie continue, en définitive. La totale disparition de la confiance est chose rare. On a retrouvé les traces d’une crise de ce genre à l’époque byzantine, sous le règne de Justinien. Elle fut déclenchée parce que l’apocalypse prévue pour l’an 500 n’était pas advenue. Les Byzantins se préparaient jusque-là à la fin du monde en construisant plus d’églises encore, en faisant moult dons aux monastères, etc. ; mais, lorsque à la date fixée rien ne se produisit, les phénomènes jusqu’alors interprétés comme des signes avant-coureurs de l’événement fatidique – guerres, épidémies et autres famines – se vidèrent subitement de leur sens et il s’en suivit un état de folie collective.

Aucune culture n’est violente ou non violente. Partout l’on retrouve une classification assez simple. La violence est prohibée, imposée ou autorisée. Une bagarre dans un bar suffit pour appeler la police, mais tel n’était pas le cas au XIXesiècle où quiconque aurait procédé de la sorte se serait exposé à des moqueries. Il y a peu, les parents avaient encore le droit de frapper leurs enfants, et les maris, celui de violer leur femme.

Lorsque entrent en relation des cultures, dont la représentation du type de violence diffère, les conséquences sont dramatiques. Quand les Espagnols et les Aztèques se retrouvèrent face à face, ils virent alternativement dans l’autre camp une bande de barbares dont la cruauté dépassait toute imagination. Les uns capturaient des prisonniers dans le but de leur arracher le coeur, de confectionnerun ragoût avec leurs corps dont ils se restauraient ensuite ; les autres tuaient pourtuer et laissaient les cadavres se putréfier en plein milieu du champ de bataille.

Naguère, la peine de mort allait de soi. Aujourd’hui, ses partisans affirment qu’on ne peut “malheureusement” ou “malheureusement pas encore” y renoncer. De nos jours, si l’on punit, c’est à titre préventif, pour empêcher la violence. Autrefois, les guerres étaient de l’ordre de l’évidence – aujourd’hui, on fait la guerre pour prévenir (d’autres) guerres plus graves. Tout cela montre bien que l’époque moderne a rendu nécessaires ces légitimations. Dans aucune autre culture on ne trouvera, à mon avis, une autoconstruction imaginaire de ce type. A l’ère moderne, la violence n’est plus simplement “là”, elle devient un problème ; elle est criminelle.

Puis, “le toit s’effondra” ! Un génocide, une guerre totale, sans précédent, des armes capables d’anéantir sans difficulté des populations entières, des massacres de masse et des tortures au nom d’un avenir radieux ! Comment cela a-t-il pu se produire ? Voilà qui n’est pas mystérieux. Au cours de l’histoire, des sociétés avaient déjà du reste fait fi de ce en quoi elles semblaient croire. Thucydide décrit ainsi la transformation d’une société, Athènes, relativement civilisée en une horde de paranoïaques et d’hystériques…

Si l’on cherche à élaborer une phénoménologie de la violence, celle-ci se déploie en trois différentes formes de rapport au corps. On peut vouloir supprimer le corps de quelqu’un parce qu’il obstrue la route (quel que soit le lieu que l’on souhaite rejoindre – la cache d’un coffre-fort, la capitale d’un pays ennemi, etc.). La violence que l’on emploie alors n’est pas dirigée contre ce corps en particulier, elle sert à atteindre un but. Puisque cette violence se réfère au lieu même où se trouve ce corps, je la qualifie de violence localisante.

On peut également vouloir le corps d’un autre pour en faire un usage quelconque. Cette violence-là, je la nomme raptive ; en général, elle est sous-tendue par des motivations d’ordre sexuel. La violence localisante veut se débarrasser du corps, la violence raptive veut au contraire le posséder. Mais, il existe une violence qui n’a pour autre fin que la destruction du corps, et ce non comme résultat ou dommage collatéral d’une autre forme de violence, mais comme intention première dirigée contre ce corps. J’appelle cette dernière forme violence autotélique (elle est elle-même sa propre fin).

Notre littérature occidentale est d’ailleurs née de la description d’une culmination de violence autotélique : Achille ne se contente pas de tuer Hector. Il veut ravagerson corps. Lorsqu’on lit ce que des médecins allemands ont fait subir aux êtres humains qui leur avaient été confiés à des fins expérimentales, on finit par serendre compte que la plupart de ces expériences n’avaient aucun sens que l’on pourrait qualifier de “scientifiquement intelligible” ; l’objectif ne visait que l’anéantissement du corps qu’on détruisait parce qu’on en avait le pouvoir.

L’époque moderne a proscrit et perdu la perception de l’existence de ce lien entrepouvoir et violence. La violence autotélique se voit, à la rigueur, considérée comme une forme spécifique de la folie (la figure du “tueur en série” représente dans les films le mot-clé). Nous avons du mal à comprendre les moments où la violence autotélique détermine une politique. Les massacres des populations juives en Europe doivent pourtant bien avoir un sens, sommes-nous alors tentés de dire !

Voulait-on ainsi vider des logements, pratiquer une politique économique ou démographique ou n’importe quoi d’autre ? Lorsque d’horribles tortures sont perpétrées dans une prison argentine, nous trouvons cela atroce ; nous savons ce que les tortionnaires veulent : des informations pour traquer les opposants. Mais qu’en est-il lorsque des personnes sont torturées des semaines, des mois durant, sans qu’on prenne même la peine de leur poser la moindre question ?

Il ne sert à rien de faire comme si la violence autotélique n’existait pas. Encore moins faut-il nier qu’elle fait partie des potentialités humaines et qu’une majorité de gens en use, dès qu’elle le peut. Ce qui devrait prendre la relève des illusions n’est donc pas l’espoir en un avenir radieux mais un mélange de peur et de conscience de soi. Je parle de la peur au sens sartrien : celle de savoir qu’on a déjà failli et que ce qui s’est produit peut se reproduire d’autant plus facilement.

Pour ce qui est de la conscience de soi, il s’agit de se rendre compte que la restriction de la violence par l’interaction, par le contrôle des institutions et la limitation des moyens dont dispose le monopole d’Etat sur la violence a probablement représenté le plus grand progrès de l’histoire de l’humanité en termes de civilisation. Nous devons nous y tenir.

A ce composé de peur et de conscience de soi s’ajoute la compréhension des mécanismes susceptibles de plonger en un tour de main une société moderne dans un état de barbarie extrême, ainsi qu’une sensibilité aux conséquences que peuvent entraîner certains débats comme ceux qui prétendent relégitimer la torture.

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